Difficile de ne donner qu’une définition de ce qu’est la littérature de voyage, tant elle revêt différents visages. Cela tient non seulement à l’ancienneté du genre, qui date au moins du VIIIe siècle avant Jésus Christ, mais aussi aux nombreuses définitions que les auteurs lui donnent. Petit tour d’horizon de ce que ce genre littéraire nous réserve.
Le récit de voyage à l’Antiquité
La référence en littérature de voyage est bien entendu l’épopée mythologie d’Ulysse, l’Odyssée, attribuée à Homère. En ving-quatre chants, on suit le périple d’Ulysse qui revient de la guerre de Troie et qui, sur sa route, rencontre bon nombre de créatures mythologiques comme les cyclopes, les nymphes ou les sirènes. Avec l’Iliade, il constitue un des poèmes fondateurs de notre civilisation européenne. Car non seulement il nous montre par transparence une carte de la Grèce antique, mais il conte également dix ans de l’existence d’Ulysse et la conquête de son identité. Cette notion de voyage initiatique sera un des éléments clés dans la littérature de voyage des siècles suivants, où le voyage sera bien plus qu’un déplacement spatial. Enfin, au-delà de la construction même du personnage d’Ulysse, c’est l’humain entier qu’Homère cherche à dépeindre, à construire, avec ses limites, ses origines et sa mémoire, caractéristiques qui transparaissent jusque dans la langue.
Le saviez-vous ? L’Odyssée est devenu un nom commun par antonomase et désigne couramment une épopée, une suite d’aventures mouvementées et singulières.
Les navigateurs et explorateurs
De Marco Polo (XVIIIe siècle) à Bougainville (XVIIIe siècle) en passant par Montaigne (XVIe siècle), on assiste à des récits plus terre à terre, qui nous décrivent, à la manière d’un journal de voyage, leurs expéditions. La description du monde, du vénitien Marco Polo, nous emmène en Asie pour une première découverte de la Chine par un occidental. Le Journal de voyage de Montaigne, s’il décrit son épopée en Europe (Allemagne, Suisse, Italie), commence à introduire la découverte d’autrui et sa confrontation avec de nouvelles cultures. Quant au Voyage autour du monde de Bougainville, il s’agit d’une description au plus près du quotidien des navigateurs, leurs conditions de vie et la manière de conduire des échanges commerciaux. Ce sera aussi, pour ses contemporains, la découverte de la société tahitienne, dont le portrait suggère qu’elle était guidée par la recherche du plaisir. Ce type de récit technique nous rappelle aujourd’hui les atlas, livres documentés par la géographie, l’histoire, ou encore des archives de témoignages.
Et dans la poésie ?
Rappelez-vous, l’Odyssée est un poème ! Ce n’est donc pas une surprise si les poètes se sont inspirés du voyage initiatique d’Ulysse pour construire leurs recueils. A ce sujet, on pense notamment à Du Bellay et ses Regrets, recueil de poèmes sur son voyage à Rome, où même l’un de ses vers et titre de poème est :
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage »
Plus tard, Baudelaire exploite aussi ce genre, avec un poème intitulé Le voyage, mais aussi dans l’entièreté des Fleurs du Mal, où le voyage est un fil conducteur. On le retrouve à la fois dans les mentions de lieux étrangers, dans le champ lexical de l’exotisme (« La chevelure ») et dans l’écriture même des poèmes.